Walter el Nagar, le chef rebelle et solidaire du Refettorio à Genève

L’inclassable chef Walter el Nagar ouvre son Refettorio à Genève. Au menu? Gastronomie, engagement humanitaire et lutte contre le gaspillage alimentaire. Rencontre avec une tornade idéaliste.

A quelques jours de l’ouverture de son restaurant, Walter el Nagar bouillonne. «Je viens d’avoir la conversation la plus absurde du monde avec une étudiante qui soutient mordicus qu’à Genève, «ville de privilégiés», la pauvreté n’existerait pas. Je lui ai proposé de m’accompagner pour livrer des repas ce soir, à deux rues d’ici. Dans une église où s’amassent 70 personnes. Elle a refusé. Ce n’est pas grave, elle est jeune, elle apprend. Je t’offre un café?»

Tempétueux au grand cœur, polyglotte – la conversation passe allègrement de l’italien à l’anglais –, le verbe haut et franc, ses valeurs – cohérence et dignité – tatouées sur les mains, il est peu dire que le chef détonne dans le milieu policé et hiérarchisé de la gastronomie. Ce rebelle hyperactif, né à Milan d’un père égyptien et d’une mère italienne, quitte le pays en 2007 à l’âge de 28 ans. «Berlusconi venait d’être réélu pour la troisième fois, j’ai dit basta. Je me suis exilé en Norvège. De mon plein gré, je n’étais pas persécuté», glisse-t-il, amusé. Il y restera une année, le froid ayant eu raison de ce coup de sang.

Direction le soleil de Los Angeles, où il restera sept ans: «J’étais cuisinier en arrivant, chef quand j’en suis parti», explique cet autodidacte qui n’a pas été formé dans les cuisines des grandes maisons. Au terme de l’expérience californienne, il entreprend un tour du monde culinaire et emporte dans ses bagages son concept de restaurant pop-up imaginé dans la Cité des Anges. Il fait halte à Barcelone, à Ibiza, à Tulum, à Moscou, à Singapour, pour terminer à Dubaï, où il réside durant six mois. On a connu plus punk que la ville émiratie, non? Il se marre: «Trop de pop-up ont dû me tourner la tête. Cette ville se situe à l’opposé de mes convictions et opinions politiques.»

Un peu par hasard, il atterrit à Genève et lance le Fiskebar, un restaurant dans un hôtel huppé de la ville. «J’avais quitté Dubaï et sa cohorte de riches pour finir… au Ritz-Carlton. J’ai dit stop, j’ai rendu mon tablier. J’ai traversé une vraie crise professionnelle à ce moment de ma vie. Mais je suis resté à Genève. J’avais, et j’ai toujours, cet idéal romantique de la ville. La diplomatie, la science, les Nations unies... Je suis un idéaliste, c’est comme ça.» Un idéaliste pragmatique qui n’a pas hésité à retrousser ses manches lors de la crise sanitaire. Avec une équipe de cuisiniers au chômage technique, ils ont distribué plus de 30 000 repas dans la région genevoise aux «invisibles» devenus soudain bien visibles.

Food for Soul

An international nonprofit organization promoting social responsibility and empowering community based programs that enable food system sustainability, food security and well-being with inclusivity.

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Behind the doors of Refettorio Geneva